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Les Jeux Paralympiques, oui, mais…

Épisode 16 -

Les Jeux paralympiques, compétition parallèle aux Jeux Olympiques destinée aux athlètes en situation de handicap, débutent ce 28 août à Paris. L’occasion pour Ma vie en PLUS de se pencher sur les objectifs de ces jeux et les défis qui doivent encore être relevés. Une analyse proposée par Manon Cools, Coordinatrice chez Esenca, association qui défend les personnes en situation de handicap.

Pourquoi des Jeux Paralympiques ?

Les Jeux Paralympiques répondent à deux objectifs. Le premier est de visibiliser le handicap dans toute sa diversité et le deuxième est d’encourager la pratique sportive des personnes en situation de handicap. Des objectifs tout à fait louables dans le principe.

Il y a une différence entre la théorie et la pratique ?

Oui, dans la réalité, les Jeux Paralympiques se heurtent à plusieurs problèmes. D’abord, une multitude de handicaps ne sont pas représentés lors de ces jeux. Je pense par exemple aux handicaps invisibles qui représentent quand même 80% des personnes en situation de handicap. Cela implique des représentations erronées pour le grand public qui va avoir l’impression que les personnes amputées ou en chaise roulantes constituent la majorité des handicaps. C’est totalement faux. Du coup, on passe un peu à côté de cet objectif de visibilité du handicap dans toute sa diversité.

De ce fait, l’identification avec les athlètes est également compliquée ?

Oui. Cette sous-représentation de la diversité des handicaps dans les Jeux Paralympiques rend difficile le fait de se sentir représenté·e. Quand on vit une situation de handicap invisible ou invisibilisée dans les jeux, on ne peut pas se sentir représenté·e par un·e athlète qui ne nous ressemble pas, qui n’a pas les même difficultés que nous.

Il peut également y avoir un sentiment d’infériorité. Les athlètes ont, par définition, des corps sportifs qui se rapprochent des normes de validité et qui font de l’excellence, du haut niveau. C’est difficile de se sentir représenté·e par des sportifs ou sportives qui ne vivent pas la même réalité quotidienne. C’est souvent un exploit pour les personnes en situation de handicap de « juste » arriver à mener une vie « normale ».

Et puis, c’est important aussi de déconstruire cette figure du super-héros ou super-héroïne que peuvent incarner les athlètes. On retrouve toute cette rhétorique, notamment dans les médias, de l’athlète qui peut réaliser pleins de choses malgré son handicap. Une « leçon de vie » qui renvoie à une vision très validiste de la société. « Si elle ou il peut le faire, moi aussi ! ». Pourtant, le handicap représenté dans le parasport représente une minorité des handicaps rencontrés dans la réalité.

Les catégories n’encouragent pas non plus la diversité ?

En effet, les catégories proposées lors des Jeux Paralympiques sont contestées depuis plusieurs années. Elles ne sont plus en phase avec l’évolution de la médecine et des connaissances en matière de capacités des personnes en situation de handicap. Et puis surtout, il y a des personnes qui ne rentrent dans aucune catégorie et se retrouvent dans une catégorie inadaptée à leur handicap.

Les Jeux n’encouragent pas vraiment, non plus, la pratique sportive ?

Les études montrent effectivement que cet objectif n’est pas atteint. Cela s’explique notamment par les choix en matière de financement. Aujourd’hui, en Belgique, on a tendance à surfinancer le sport de compétition au détriment du sport amateur et des clubs sportifs. Le sport de loisir n’est plus financé et donc organisé de façon optimal. Il est difficile de participer à une activité sportive si elle n’existe pas ou n’est pas adaptée. C’est un choix politique.

Et puis, à nouveau, si on a du mal à s’identifier aux athlètes paralympiques, on va avoir du mal à s’en inspirer pour sa propre pratique sportive.

Il y a quand même des points positifs ?

Evidemment ! Par le passé, les Jeux Paralympiques n’avaient pas forcément lieu dans la même ville que les Jeux Olympiques. Aujourd’hui, ce n’est plus le cas, les Jeux ont lieu dans la même ville, ce qui est beaucoup mieux d’un point de vue de l’inclusion.

Il y a une nouveauté toute récente : les athlètes des Jeux Olympiques et Paralympiques toucheront les mêmes primes en 2024. C’est un symbole important pour faire évoluer les mentalités !

Enfin, la ville qui accueille les Jeux est contrainte de réfléchir à son accessibilité, à son inclusion et à ses politiques publiques pour pouvoir accueillir toutes les personnes en situation de handicap. Ça met à l’agenda une liste de priorités qui ne le seraient pas forcément en l’absence des Jeux.

Quelles sont les recommandations d’Esenca ?

On recommande l’activité physique dans toute sa diversité. On estime que les clubs sportifs qui sont d’excellent lieux pour se rencontrer et pratiquer une activité physique, doivent être davantage financés. Il existe des clubs spécialisés en parasport, d’autres qui pratiquent l’inclusion. Finançons ces clubs pour pouvoir accueillir tout le monde et faire vivre le sport de manière collective !

Pour ces Jeux Paralympiques, Esenca aimerait questionner le traitement médiatique qui est souvent infantilisant et validiste. On va avoir recours à des notions comme la pitié, la notion de courage, cette fameuse « leçon de vie ». Et si on parlait des athlètes paralympiques comme des autres athlètes ?

Esenca encourage également les organisateurs des Jeux Paralympiques à se questionner sur les catégories proposées. Actuellement, elles invisibilisent énormément de personnes et posent des problèmes d’équité.

Dans le secteur du handicap, on a tendance à accepter ce qu’on nous donne sans oser demander plus. « Deux lignes de métro accessibles à Paris, c’est déjà bien ! » Esenca encourage à réclamer un peu plus… Essayons d’être un peu plus ambitieux dans nos politiques publiques.

Ma vie en PLUS

L’étude réalisée par Esenca sur les Jeux Paralympiques est disponible dans son intégralité sur leur site internet. Si vous avez des questions, besoin d’aide ou de soutien, n’hésitez pas à contacter Esenca par téléphone au 02/515 02 65 ou par email à l’adresse esenca@solidaris.be.