Comment faire face aux idées noires d’un.e proche ?
Florence Ringlet est psychologue. Elle dirige l’asbl Un pass dans l’Impasse, spécialisée dans la prévention du suicide et dans l’accompagnement de la santé mentale en général. Elle nous explique comment mettre des mots sur l’innommable : les idées suicidaires.
Cela vous tombe dessus un jour sans prévenir : un enfant, un·e conjoint·e ou un·e ami·e qui vous livre ses pensées les plus sombres. Comment réagir, quels sont les mots justes pour accueillir sa peine, y a-t-il une bonne manière d’intervenir dans pareil cas ? C’est forte de son expérience au sein d’un pass dans l’impasse que Florence Ringlet nous répond.
MVEP. Pour commencer, est-il recommandé d’aborder une personne qui a des idées noires ?
F.R. Oui, totalement. Il ne faut d’ailleurs surtout pas passer à côté de cette opportunité. Cet échange verbal est peut-être même la chose la plus importante qui soit pour permettre à la personne de sortir de cet état-là. Il s’agit pour commencer de lui faire part de ce qu’on a ressenti, du fait qu’on ressent qu’elle va mal.
Comment aller plus loin dans la question ?
Il peut être intéressant de lui demander à quel point elle se sent mal. A quoi elle pense ? Est-ce que ce sont des idées noires ? Est-ce que, parfois, elle aurait presque envie de ne plus être là ? Est-ce qu’elle pense à la mort ou au suicide ? Ce sont des mots qui sont essentiels à prononcer face à quelqu’un·e en situation de grande détresse. Il s’agit, au moins, de lui poser la question.
Peut-on utiliser les vrais mots ?
Oui. Et c’est important de dire à quel point on peut être touché·e. L’essentiel, selon moi, c’est de reconnaître la souffrance de l’autre, parfois même lui renvoyer ce qu’elle vient de nous dire pour s’assurer qu’on a bien compris à quel point elle souffrait, les enjeux de son mal-être. En cela, le fait de mettre des mots vrais et les plus justes possible peut énormément la soulager et l’aider à se sentir comprise.
Quelle attitude recommandez-vous d’éviter dans ce genre de discussion ?
Il est important de ne pas vouloir aller dans les solutions. En prononçant des phrases comme « Ça va passer, on va te changer les idées. C’est un mauvais moment mais, tu verras, tout va se régler» ou, dans le cadre d’une rupture amoureuse, « un·e de perdu·e, dix de retrouvé·e·s », on démontre à la personne que l’on n’a pas compris ce qu’elle vit alors qu’elle est anéantie. Même si notre plus grande envie est d’éviter le mal-être, il est très important de vérifier avec le proche comment elle·il le gère et à quel point elle·il se sent mal.
Est-ce que les mots peuvent soulager ?
Oui, les mots qu’on prononce, en tant que proche, ou les mots que la personne nous livre alors que parfois elle n’en a parlé à personne peuvent l’aider. Car elle rumine souvent dans sa tête toute une série de pensées négatives en boucle et le fait de les exprimer et de s’entendre les exprimer peut lui permettre de sortir de cet état.
Jusqu’où peut-on aller dans la discussion ?
J’ai déjà remarqué qu’en évoquant très concrètement leur suicide ou leur passage à l’acte avec des personnes, en leur disant « ah bon ? Et qu’est-ce que tu ferais ? A quoi as-tu pensé ? », on provoque parfois des réactions « positives » de leur part: « Je ne pense pas que j’irais jusque-là. Je n’en suis quand-même pas à ce point-là ». Ça leur permet aussi d’aller au plus loin dans ce qu’elles ruminent.
Que fait-on avec ces aveux ?
Il est primordial de ne pas rester tout·e seul·e avec cette « confession ». Quand on encaisse ce mal-être et qu’on a peur pour l’autre – certaines personnes passent réellement à l’acte – on peut soi-même tomber dans cette spirale dépressive. Il est important de pouvoir se faire aider et demander conseil pour ne pas tout porter seul.
Ma Vie en Plus
SOLIDARIS, c’est aussi un réseau associatif et socio-sanitaire : Un pass dans l’impasse (UPDI) en fait partie. Situé à Namur, ce centre de prévention du suicide et d’accompagnement propose aussi des consultations en milieu carcéral. Suite à la crise du covid, il a également développé un dispositif d’aide aux indépendants.
Centre de prévention
081/777.150 (pour une consultation psychologique)
Centre de référence
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Dispositif pour les indépendants
0800/300.25 (ligne d’assistance téléphonique)