Accouchement : le point sur les violences obstétricales
Depuis quelques années, les violences obstétricales, c’est-à-dire les violences commises durant l’accouchement, sont de plus en plus dénoncées par les femmes et diverses associations. D’autres, parce qu’elles n’ont pas conscience d’en être victimes ou redoutent de les dénoncer, décident de se taire. Anissa D’Ortenzio, chargée d’études pour Soralia, lève le voile sur ce sujet.
Lorsque l’on parle de violences obstétricales, de quoi s’agit-il exactement?
Ce terme désigne les violences subies durant l’accouchement, résultant de tout acte, omission d’acte ou comportement non justifié médicalement. Il désigne également les violences verbales ou psychologiques vécues durant l’accouchement et pendant le suivi de la grossesse.
Pouvez-vous nous donner des exemples ?
Il peut s’agir de déclenchements forcés, de césariennes ou d’épisiotomies non justifiées. L’Organisation mondiale de la santé (OMS) recommande un taux de maximum 10% d’épisiotomie or, en Belgique, nous sommes à plus du double quelle que soit la région.
Qu’est-ce qu’une épisiotomie ?
C’est une incision chirurgicale effectuée au niveau du vagin pour laisser passer plus facilement le bébé. Cette déchirure se fait parfois naturellement, mais il arrive qu’il faille inciser. Lors d’une déchirure naturelle, la peau se déchire mais le muscle reste intact, alors que lorsqu’il y a incision, la peau et le muscle sont incisés, ce qui peut être plus douloureux et mettra plus de temps à guérir. Ce n’est donc pas un acte anodin, qui doit impérativement être justifié médicalement.
On parle aussi du « point du mari ». Est-ce un acte de violence obstétricale ?
Oui, absolument ! À la suite d’une déchirure naturelle ou d’une épisiotomie, la·le médecin vient faire des points de suture, donc recoudre le vagin. Ce que l’on nomme « le point du mari » est le fait de recoudre plus serré afin que le mari ait plus de jouissance durant l’acte sexuel. Une violence obstétricale qui peut être source de douleurs pour la maman, à court, moyen et long terme. Or, lors d’un accouchement et d’une nouvelle configuration familiale, c’est la santé et le bien-être de la maman qui devrait primer.
Avez-vous d’autres exemples ?
Il y a aussi ce qu’on appelle l’expression abdominale. Elle consiste à appuyer sur le ventre de la femme qui est en train d’accoucher pour expulser plus facilement le bébé. C’est une pratique considérée comme extrêmement dangereuse et qui n’est pas du tout recommandée au niveau national et international. Pourtant certain·e·s obstétricien·ne·s. la pratiquent encore. On peut aussi recenser tous les actes à vif, pratiqués sans anesthésie. Ce n’est absolument pas normal non plus.
Comment expliquer ces dérives ?
Les explications sont multiples. Le corps de la femme, en médecine générale, en particulier lors de l’accouchement, est considéré comme corps objet et non sujet. La femme est complètement dépossédée de son propre corps, l’important étant que le bébé sorte le plus vite possible. Le tout étant exacerbé par les conditions de travail très pénibles et dévalorisées du personnel soignant. Il y a une relation très asymétrique entre la patiente et les médecins. Elles·ils sont érigés au rang de savant·e·s et expert·e·s et l’avis de la patiente, malgré la connaissance qu’elle a de son propre corps, est souvent relégué au second plan. Une situation qui peut mener à des violences obstétricales.
Existe-t-il des données chiffrées sur la situation en Belgique ?
L’étude la plus récente émane de la Plateforme pour une naissance respectée. Elle a été menée en 2021 et a rassemblé plus de 4.200 témoignages de femmes. Les résultats démontrent qu’une patiente sur cinq qui accouche a vécu des violences obstétricales, dont des actes à vif. Ce chiffre monte à deux femmes sur cinq lorsque l’on ajoute les violences verbales et psychologiques.
Certaines femmes sont-elles plus touchées que d’autres ?
Oui, on constate qu’une femme sur trois qui a une couleur de peau pouvant mener à une possible discrimination va vivre des violences obstétricales. Il s’agit d’une femme sur quatre lorsqu’elle n’a pas fait d’études supérieures. Certaines régions aussi sont plus touchées que d’autres. En province de Liège, il s’agit par exemple d’une femme sur quatre. Ces chiffres sont fondamentaux car ils démontrent que les violences obstétricales ne sont pas des exceptions, mais bien un fait de société qui doit être pris en compte. Elles doivent absolument être considérées par le collectif, les politiciens et les instances médicales, que ce soit dans les formations, dans la sensibilisation, etc.
Comment se prémunir contre ce type de violence ?
Il y a tout d’abord le projet de naissance qui permet de spécifier clairement les actes médicaux que l’on accepte ou pas. On peut également se faire accompagner par un·e sage-femme. Elle·il permet de créer une relation-tampon entre les attentes et les besoins de la femme qui est en train d’accoucher et les médecins. Le choix du lieu de naissance va aussi avoir un impact. Les conditions de l’accouchement et la relation avec les médecins et le personnel soignant ne seront pas les mêmes si l’on est dans une maison de naissance ou un grand hôpital. Et c’est bien cela que Soralia revendique : un changement au niveau collectif, une réactualisation au sein des instances médicales, de la formation académique. L’application aveugle d’un protocole extrêmement carré ne tient pas compte des différences et particularités de chacune et cela doit changer. Le respect du consentement libre et éclairé de la patiente en est la pierre angulaire. Chaque acte médical doit être décrit et expliqué. Les alternatives possibles doivent être transmises et expliquées aussi. Les choix ainsi que les décisions de la patiente pendant l’accouchement doivent impérativement être respectés.
Comment faire valoir ses droits en tant que patiente ?
La·le sage-femme ou le coparent présent lors de l’accouchement peuvent jouer un rôle relativement important. Ils peuvent être les garants du respect de la volonté et des attentes de la patiente. De par leur présence et ce rôle qu’ils endossent, ils peuvent permettre un accouchement apaisé. Pour que cela fonctionne, il faut que la·le sage-femme et/ou le co-parent soient sensibilisés à ce type de violences durant l’accouchement.
Il arrive que le victimes de violences obstétricales ne s’en rendent pas compte sur le moment même. Dans ce cas, il est important de ne pas culpabiliser lorsqu’on s’en rend compte plusieurs semaines ou plusieurs années plus tard mais de toujours en parler à une personne de confiance, dans son entourage ou à un·e autre médecin. Il est essentiel de permettre aux parents de pouvoir vraiment exprimer la douleur émotionnelle, psychologique, et physique qui a été vécue.
Que faire lorsqu’on veut une confrontation avec la·le médecin en cause ?
À l’heure actuelle, il y a un vide juridique à ce niveau. Peu de plaintes ont été amenées au niveau pénal et aucune n’a abouti. Il existe des services de médiation dans chaque hôpital, dans chaque structure médicale même. Le Service Public Fédéral propose un service de médiation tout à fait gratuit que vous pouvez contacter et qui peut vous accompagner. Celui-ci répond à la loi de 2002 sur le consentement libre et éclairé. Le plus important, c’est d’en parler, de délier les langues. La « loi patient » de 2002 rappelle à chaque membre du personnel soignant ou chaque médecin, infirmier et infirmière, que respecter le consentement libre et éclairé de chaque patient·e doit être la norme.
Ma Vie en PLUS
Sur le site de la Plateforme pour une naissance respectée, vous trouverez beaucoup d’informations relatives à vos droits, mais aussi à tous les moyens d’actions disponibles aujourd’hui ainsi que les liens vers les différents services de médiation.