Aidant·e·s-proches : « il n’y a pas de honte à se faire aider ! »

Le papa de Rose est atteint de la maladie l’Alzheimer. Depuis un peu plus de 5 ans, elle aide sa maman à s’occuper de lui. Une situation difficile à vivre entre anxiété, culpabilité et acceptation. Rose nous raconte sa vie d’aidante-proche.

A 48 ans, Rose jongle entre son travail à temps-plein et les moments passés avec sa fille de 14 ans. Depuis quelques années, un autre impératif s’est invité dans sa vie déjà bien chargée : aider ses parents et plus particulièrement son papa, atteint de la maladie d’Alzheimer.

Vincenzo commence à oublier de petits détails anodins mais, au début, personne ne s’inquiète. Lorsque le problème s’accentue et que sa famille souhaite lui faire passer quelques tests, il refuse catégoriquement. « Mon papa est dans le déni total depuis 5 ans. C’est une situation très difficile à gérer car il n’accepte aucune aide », raconte Rose. « Aujourd’hui, il n’est plus autonome, on a dû lui retirer sa voiture car il se perdait et oubliait son code de la route. Puisqu’il n’accepte pas la maladie, je dois gérer seule le suivi avec son médecin traitant. C’est à chaque fois compliqué de lui faire accepter un changement de traitement ou un nouveau médicament ».

Une inversion des rôles

Il y a quelques semaines, la maman de Rose doit se faire opérer d’une tumeur au cœur. Vincenzo supporte mal la séparation. « Je suis allée dormir chez mes parents durant l’hospitalisation de ma maman. Mon papa a très mal vécu cette période. Sa routine était perturbée et la maladie en a profité pour gagner du terrain. Je le sentais anxieux et perdu sans ma maman mais n’étant plus capable d’identifier et de comprendre ses émotions, il était totalement désorienté ».

Rose a, elle aussi, mal vécu cette période car en plus de subir le rejet de son papa, elle a dû expérimenter encore davantage l’inversion des rôles entre père et fille. « Je me suis occupé de lui comme s’il était mon enfant, c’était très perturbant. Je dormais dans mon ancienne chambre de petite fille mais je laissais la porte ouverte pour le surveiller et éviter qu’il ne parte durant la nuit. Le matin, s’il se levait et voyait que j’étais encore au lit, il retournait dans sa chambre en soufflant, comme un enfant qui doit attendre que ses parents lui donnent l’autorisation de descendre. Mon papa était mon pilier. C’est très éprouvant de le voir diminué ».

S’outiller pour mieux gérer

Au début de la maladie, Rose avait du mal à accepter la situation. « C’était tellement difficile de le voir comme ça. Du coup, j’évitais de rester avec lui trop longtemps et je pleurais dans ma voiture en rentrant ». Au fur et à mesure de l’avancée de la maladie, Rose fait face et vient en aide à sa maman. Très vite, elle se rend compte qu’elle a besoin d’être outillée pour agir au mieux. Elle décide de suivre la formation d’aidant·e-proche proposée par la Ligue Alzheimer. « C’était vraiment rassurant de se retrouver avec des gens qui vivaient une situation similaire voire pire que nous. M’exprimer m’a fait beaucoup de bien. On nous a également donné plein d’astuces et d’outils pour mieux gérer le quotidien ». C’est ainsi que Rose et sa maman mettent en place un système de liste de courses basée sur l’image. « Ça ressemblait à une liste de Saint-Nicolas », ironise Rose. Grâce à cette liste, il a pu continuer à faire les courses seul sans ramener un concombre à la place d’une courgette. « Les images l’aidaient énormément ».

Si, aujourd’hui, Enzo, de son petit nom, n’est plus capable de faire les courses, il va encore à la boulangerie et à la librairie tous les matins. « Sur base des conseils de la Ligue Alzheimer, j’ai prévenu le boulanger et le libraire de la situation et je leur ai dit ce que mon papa devait acheter tous les matins. C’est rassurant pour nous. D’ailleurs, durant le confinement lié au Covid, mon papa a eu une altercation avec un client de la librairie car il ne respectait pas les règles, il les avaient oubliées. Le libraire, connaissant la situation, lui est venu en aide puis nous a téléphoné », raconte Rose.

Demander de l’aide

« C’est très difficile de demander de l’aide car on culpabilise beaucoup. Avec le recul, je pense que j’aurais dû inscrire mon papa en centre de jour avant l’opération de ma maman. Un placement quelques heures par semaine aurait pu la soulager et lui aurait permis de se reposer. Aujourd’hui, j’ai fait les démarches nécessaires mais c’est ma maman qui ne veut pas. Elle culpabilise beaucoup ». Rose a également hésité à faire appel à un·e aide à domicile. Elle et sa maman ont néanmoins franchi le pas. Depuis quelques mois, elles reçoivent une aide 2 jours par semaine. « Là aussi mon papa a été perturbé. Il suivait l’aide-ménagère partout en répétant qu’il pouvait le faire lui-même. Maintenant, il s’est habitué. Il faut toujours un peu de temps ».

La maman de Rose sort de chez elle uniquement durant la sieste de son mari tout en se dépêchant pour rentrer avant qu’il ne se réveille. « C’est presque inhumain comme situation mais penser au placement définitif en institution est encore trop difficile pour nous, même si je sais qu’on y arrivera un jour ou l’autre ».

« Si j’ai un conseil à donner aux personnes qui vivent une situation similaire, c’est de demander de l’aide. De nombreuses associations existent en fonction de la pathologie, le service social de la mutuelle est aussi d’une grande aide tout comme les aides-familiales de la Centrale de Services à Domicile. Il faut juste prendre conscience que, nous aussi, nous devons rester en bonne santé et qu’il n’y a pas de honte à se faire aider », conclut Rose.

Ma vie en PLUS

Vous vivez, vous aussi, une situation similaire ou assumez le rôle d’aidant·e-proche ? Voici une liste non exhaustive des aides disponibles :

Pour en savoir plus sur la vie des aidant·e·s-proches, lisez notre autre article sur le sujet.