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Pourquoi les médicaments sont-ils si chers ?

Épisode 12 -

Les médicaments coûtent cher, tant au patient qu’à la sécurité sociale, mais rapportent beaucoup à l’industrie pharmaceutique. Pourquoi et par quels moyens cette industrie parvient-elle à s’accaparer les ressources issues de la solidarité ? Et quel avenir attend les patients et les systèmes de santé avec l’augmentation des prix des médicaments ?

Pourquoi les médicaments sont-ils moins chers chez nos voisins ?

La différence s’explique parce que ce sont les firmes qui vont choisir le prix qu’elles appliquent à chaque pays. Elles estiment par exemple que la France est un bon marché, elles lui accorderont un bon prix. En revanche, elles vont trouver que la Belgique est un trop petit marché, elles vont donc appliquer un prix beaucoup plus élevé.

Il peut y avoir des grosses différences, le Dafalgan est par exemple beaucoup moins cher en France.

En Belgique nous avons des génériques qui vont être plus abordables, mais qui ne sont pas automatiquement donnés par les pharmacien·nes, donc pensez bien à demander les génériques !

C’est vrai qu’en Hollande, de manière générale, les prix vont être beaucoup plus bas qu’en Belgique, parce que la Hollande est un gros marché de génériques et les firmes vont vraiment casser les prix.

Le surprofit sur les médicaments : mythe ou réalité ?

C’est une réalité… L’industrie pharmaceutique est la plus rentable au monde, plus rentable que la finance, les énergies fossiles… Et c’est surtout grâce aux médicaments remboursés, grâce à nos systèmes de Sécurité sociale, qu’elles peuvent faire ces profits gigantesques.

Chez Solidaris nous avons fait une étude qui a montré que le prix que l’on paye via la Sécurité sociale sont en générale quinze fois plus chers que le prix juste.

Alors pourquoi ces prix ne sont-ils pas mieux contrôlés ?

Malheureusement c’est parce que nous dépendons d’un système de négociation. Les firmes viennent avec une demande de prix en générale exorbitante, ce sont des centaines de milliers d’euros pour un traitement, que les gouvernements tentent de négocier. C’est cette capacité de négociation qui nous fait défaut, et qui fait qu’on arrive vite à des prix qui ne sont ni justes ni acceptables.

Quel problème ça pose ?

Le problème de ce système, c’est qu’il est beaucoup trop cher et que la Sécurité sociale a des moyens limités. On dépense déjà plus de 5 milliards d’euros chaque année pour les médicaments, et si on continue sur ce rythme et avec de tels prix, on n’arrivera plus à payer les prix des nouveaux traitements.

On a déjà dû, en 2015 par exemple, limiter l’accès aux médicaments contre l’hépatite C, aux malades qui étaient les plus atteints, parce que c’était trop cher, et c’est ce genre d’histoires qui va finir par se répéter…

Baisser les prix, est-ce freiner la recherche ?

C’est ce que l’industrie dit. Que l’argent qu’on leur donne sert à financer la recherche. En réalité, quand on regarde dans les comptes, ce n’est pas tout à fait à ça que ça sert. Ça sert à enrichir les firmes, à faire des rachats d’actions, à acheter d’autres sociétés prometteuses à des prix faramineux. Il y a donc une perte d’argent énorme dans le système.

Et puis il ne faut pas oublier que faire baisser les prix partout, parce qu’on ne parle pas que de la Belgique, ça permettrait aussi d’augmenter l’accès aux médicaments, dans les pays de l’Est notamment. Et donc au final pour les firmes, ça ne diminuerait sans doute pas leurs ventes et il y aurait beaucoup plus de gens qui pourraient bénéficier des traitements.

Quelle solution pour un système plus juste ?

Un système plus juste, c’est un système où nous pourrions négocier tous ensemble, en tant qu’Européens, de manière transparente et sur base de quelque chose qui se rapproche de la réalité de production.

Les firmes ont des coûts pour développer des médicaments, on est d’accord pour les couvrir. On pourrait également leur donner un bon incitant pour aller vers des médicaments qui nous intéressent vraiment, pas les cibles des firmes, mais les médicaments dont nous avons vraiment besoin.

Là nous pourrions avoir un système qui serait à la fois solidaire, juste pour les firmes et juste pour nos systèmes de Sécurité sociale.

La réflexion est-elle envisageable au niveau européen ?

Ce qui bloque quelque part c’est l’Europe… En tout cas, le fait qu’en Europe nous ayons laissé la compétence de décider des prix dans chaque État et donc que chaque pays individuellement doit négocier.

En plus les firmes ont obtenu le fait de pouvoir négocier chaque fois de manière secrète. En Belgique nous faisons des contrats dont on ne divulgue jamais les résultats et c’est la même chose ailleurs. Personne ne sait ce que les autres ont négocié, forcément ça nous rend faible.

Ce qui nous permettrait d’avancer, c’est d’une part de savoir ce que les autres obtiennent et surtout de négocier tous ensemble.

Cette opacité des négociations arrangent bien les firmes ?

Ce sont elles qui sont demandeuses. Nous n’avons pas voulu cette opacité, nous n’avons pas voulu des contrats secrets, ce sont les firmes qui ont proposer le secret en échange d’une réduction. En tant que bon gestionnaire, on se dit que la réduction vaut la peine, mais nous ne nous sommes pas rendu compte que cela nous rendrait aveugle, et qu’au final, cela allait fortement nous empêcher de négocier.

D’un côté ne sait pas ce que les autres font et de l’autre côté nous craignons de ne pas pouvoir bénéficier de certains traitements, puisque la firme nous dit clairement : si vous ne voulez pas de mon prix, vous n’avez pas mon médicament.

C’est une forme de chantage, et nous sommes obligés de céder. Tant que  nous ne sommes pas tous Européens ensemble pour négocier, on n’y arrivera pas.

Quel est le rôle d’une mutualité dans tout ça ?

Le rôle d’une mutualité c’est justement de soutenir la voix de ses affilié·e·s vis-à-vis du politique et de dire ce que nous attendons.

Chez Solidaris nous avons mis en place une pétition qui réclame un modèle de prix juste dans la réglementation pour fixer les prix. C’est quelque chose qui ne pourra voir le jour qui si nous avons suffisamment de soutien autour de cette demande. Si c’est le cas, cette demande mettra une pression auprès de la classe politique, pour qu’elle avance dans ce domaine.

Ma vie en PLUS

Si vous souhaitez en savoir plus, rendez vous sur www.lejusteprixdesmedicaments.be. Vous pourrez notamment y retrouver :