Pourquoi les traitements médicamenteux sont moins adaptés aux femmes ?

De nombreuses études le montrent : les femmes sont moins bien soignées que les hommes. Elles subissent deux fois plus les effets secondaires des médicaments et les soins sont moins adaptés à leur corps, donc moins efficaces. Les Femmes Prévoyantes Socialistes (FPS) dévoilent leur dernier rapport sur la question.

Les femmes ne profitent pas de la même manière que les hommes d’un traitement médical. En cause, la manière dont les recherches sur les médicaments sont effectuées. Si le constat n’est pas réjouissant pour les femmes, il a le mérite d’être mis en lumière par la dernière campagne des FPS, ce qui permet de soulever des pistes de solutions. Pour faire bouger les lignes, Anissa D’Ortenzio, chargée d’études en santé et genres, dévoile les explications à ces inégalités de soins entre les sexes.

Problème #1 : L’homme est l’étalon médical historique

Même si le phénomène tend à diminuer, l’homme est toujours considéré aujourd’hui comme le standard en médecine. Pourtant, on sait aujourd’hui qu’au-delà des différences de l’appareil sexuel et reproducteur, tout ce qui concerne la variation du taux d’hormones, les cellules, l’ADN et les génomes diffèrent aussi. Pour faire court, toutes les cellules de notre corps sont sexuées, certaines auront les mêmes actions chez les hommes et les femmes, mais dans 30% des cas, d’autres s’actionnent différemment. C’est important d’en prendre conscience quand on produit des médicaments, car les effets seront différents : certains médicaments seront plus efficaces que d’autres, ainsi que les traitements de manière générale.

Problème #2. Les femmes sont sous-représentées dans les tests cliniques

Les essais cliniques permettent d’évaluer l’effet d’un médicament, positif et négatif. Or, plusieurs études montrent qu’il y a une proportion beaucoup plus importante de participant·e·s masculins que féminins à ces essais, y compris pour des médicaments destinés aux femmes. C’est le cas des antidépresseurs, par exemple, prescrits à 70% aux femmes ou encore des médicaments contre les cancers du sein ou de l’utérus pour lesquels certains tests ne sont menés que sur des hommes ! Cela pose question. Le fait que les scandales pharmaceutiques aient beaucoup plus touché les femmes explique en partie le gros retard de la recherche des médicaments sur les femmes, exclues pendant 30 ans car à risque d’effets secondaires graves. La seconde explication provient de chercheur·euse·s qui considéraient qu’il était trop compliqué de distinguer les effets des médicaments des variations d’hormones et de cycle menstruel des femmes. Si aujourd’hui certains chercheur·euse·s et instituts de recherche estiment que les essais cliniques et le développement des médicaments a bien évolué ces 30 ou 40 dernières années, nous pensons qu’il est essentiel de poursuivre le travail.

L’impact de ces disparités

  • Les femmes sont davantage touchées par les effets secondaires des médicaments, en général et ils sont souvent plus graves que chez les hommes. Elles sont plus souvent hospitalisées à cause de ces effets secondaires : des maux de tête aux méningiomes, en passant par des problèmes cardiaques assez importants ou des troubles dépressifs, les causes sont multiples. Elles sont également plus touchées que les hommes par des effets secondaires bénins. A noter que le deuxième effet secondaire le plus courant est l’inefficacité de certains médicaments !
  • On abandonne parfois certains médicaments qui pourtant fonctionnent bien chez les femmes. C’est le cas d’un vaccin contre l’herpès dont on s’est rendu compte qu’il était très efficace chez les femmes, à hauteur de 73 à 75%, mais pas du tout chez les hommes. Il a été abandonné pour des raisons financières alors que cela aurait pu protéger la moitié de la population.
  • Les femmes n’ont pas accès à certains dispositifs médicaux. Un exemple : en 2013, une firme a développé un cœur artificiel impossible à transplanter chez les femmes, car il était trop gros, aux standards d’un homme. Depuis lors, un cœur adapté aux femmes est en développement, mais cela pose question car de nombreuses femmes n’ont pu être transplantées pour cette raison.

Les solutions :

  • Améliorer la recherche en obligeant, via les subsides, d’avoir une représentation paritaire dans les essais cliniques. D’autant plus pour les essais qui concernent majoritairement les médicaments pour les femmes.
  • Proposer une approche inclusive en adoptant une grille de lecture systématique des effets chez les hommes et les femmes et tenir compte des variations. Cela concerne aussi d’autres domaines de recherche : les cellules-souches et les animaux. Cette approche ne doit pas se limiter uniquement aux différences homme-femme, mais aussi aux personnes intersexes, transgenres, racisées, âgées… A chaque fois qu’il y a une spécificité à prendre en compte et potentiellement impactante sur le traitement ou la prise en charge, c’est important de l’étudier.
  • En cas d’errance de diagnostic, se demander quel médicament on prend en ce moment, ce qu’on nous a prescrit, quel pourrait en être l’impact sur notre vie. En discuter avec son médecin pour chercher un éventuel traitement alternatif. Cela peut simplement être lié à la contraception, et on peut donc voir comment combiner les deux.

Si les médicaments restent essentiels dans nos traitements, il faut pouvoir dénoncer certains effets secondaires et, au minimum, en être informé·e. Parlez-en avec votre médecin traitant, lisez les notices concernant les effets secondaires. Il existe aussi une liste des médicaments qui, en matière de coût-bénéfice ne sont pas intéressants, et qui sont dénoncés par l’organisation de médecins en France, PRESCRIRE (www.prescrire.org).

Ma vie en PLUS

Publié en 2022 par les FPS, une étude d’éducation permanente sur l’inégalité des femmes face aux études médicales peut être consulté en ligne sur www.femmesprevoyantes.be/derniere-campagne-2-3/. Cette étude faire partie d’une campagne d’informations et de sensibilisation.