Haut Potentiel Intellectuel : une chance ou un fardeau ?
Grâce ou à cause de la série « HPI » diffusée sur TF1 la réalité côtoient les fantasmes et préjugés les plus fous concernant les personnes à Haut Potentiel. Qu’est-ce qu’un.e HP ? Comment savoir si on est concerné.e ? Comment aidé son enfant fraichement identifié HP ? Entre chance et fardeau, Marion* nous raconte son parcours.
« J’ai découvert très tard que j’étais HP », commence d’emblée Marion. Jeune trentenaire, élancée aux longs cheveux bruns et aux yeux bleus, Marion n’est pas très à l’aise. Son histoire, elle ne la raconte jamais. Seuls son compagnon, son frère et ses parents sont dans la confidence. Le rôle de « femme normale » qu’elle s’efforce de jouer au quotidien est éreintant, parfois anxiogène mais tellement nécessaire à ses yeux pour être intégrée à une société qui n’aime pas beaucoup la différence.
Qu’est-ce qu’un.e HP ?
« La plupart des gens pensent que nous sommes dotés d’une intelligence supérieure, ce qui est très réducteur », explique Marion. « Il s’agit d’une autre forme d’intelligence, de plusieurs autres formes d’ailleurs ». Pour mieux comprendre, nous avons contacté Laurence Nicolaï, directrice du Centre pour la Valorisation des Intelligences Multiples, le CVIM, à Liège.
« Une personne HP vit les choses avec plus d’intensité. Si elle se passionne pour un sujet, elle l’étudiera souvent sous toutes les coutures. Il peut s’agir d’une personne hypersensible, sans cesse en questionnement. Elle veut tout comprendre et pose de nombreuses questions. Sa pensée, très fertile, est souvent en ébullition ». A cette définition très générale, la professionnelle ajoute : « Il existe autant de types de personnes HP qu’il y a de profils de personnalités. Il est important de souligner que des troubles associés comme de la dyscalculie, dyslexie ou des troubles autistiques peuvent coexister et parfois masquer le profil HP ».
Est-ce que HP signifie surdoué ?
Dans l’imaginaire collectif, la personne HP est souvent perçue comme étant surdouée. Une idée reçue que Laurence, tout comme Marion, tiennent à déconstruire : « chaque être humain possède des formes d’intelligences plus développées que d’autres. La personne HP aura, en général, un QI supérieur à la moyenne dans sa zone de haute potentialité mais elle aura des forces et des faiblesses comme tout le monde et, comme tout le monde, elle devra apprendre ».
Est-ce que ça rend la vie plus facile ?
« Je vais vous donner un exemple », s’exclame Marion. « Quand une personne normale traverse un passage pour piétons, elle ne pense pas forcément à son environnement, elle rêvasse. Moi, c’est tout l’inverse, tout m’agresse, les bruits, les regards des gens, les gestes, je ressens tout ce qui se passe dans mon environnement ».
« J’ai également beaucoup de mal à formuler des phrases cohérentes. Dans ma tête, tout est clair, mais quand ça sort, ça l’est beaucoup moins ! Mon copain me dit toujours qu’il faudrait créer le « Marion Illustré » pour décoder mon langage ! », s’exclame Marion, le sourire aux lèvres.
Un fonctionnement du cerveau très fatigant. « On épuise nos ressources beaucoup plus vite car nous sommes des éponges sensorielles et émotionnelles ». La jeune femme, gestionnaire de dossiers dans l’administration, a besoin de 12 heures de sommeil pour récupérer d’une journée de travail ordinaire.
Comment s’intégrer dans la société ?
Depuis l’enfance, Marion a le sentiment de ne pas être à sa place. « A l’école, les enfants se moquaient souvent des questions complètement hors sujet que je posais à répétition. Tous les professeur.e.s ne faisaient pas preuve d’empathie. Une institutrice a particulièrement été destructrice pour moi. Elle me donnait un quota de questions et je ne pouvais pas en poser davantage ».
Si, à l’époque, le personnel pédagogique était insuffisamment informé, ce n’est plus forcément le cas aujourd’hui. « On en parle de plus en plus », s’exclame Laurence. « Ces questions sont maintenant intégrées aux cursus universitaires, des formations continues sont également proposées aux professionnel.le.s. Il n’y a pas plus de personnes HP maintenant qu’avant mais aujourd’hui, elles sont plus facilement identifiées grâce à ces professeur.e.s « sentinelles », aux médecins, aux parents ou aux Centre PMS présents dans les écoles ».
Toujours ignorante de sa condition, Marion, alors adolescente s’enferme dans ses cours, seule échappatoire pour se conformer. Elle devait « briller » à l’école pour intégrer le système et voir sa personnalité légitimée. « Les bons points à l’école me faisaient exister ».
A l’Université, c’est la libération : « J’étais enfin autonome, je pouvais aller aussi loin que je voulais dans la réflexion. C’était même valorisé par les professeur.e.s. Je n’appartenais plus à une classe, je ne devais plus rester enfermée avec d’autres élèves dans une cour de récré ».
Est-ce qu’être identifié HP est important ?
« Un jour, par hasard, une amie institutrice me parle d’un élève à problème. Plus elle en faisait la description, plus j’avais l’impression qu’elle parlait de moi. Elle m’a parlé d’un centre où je pouvais faire des tests pour connaitre mon type d’intelligence. Quand les mots HP ont été prononcés et vérifiés par les tests, choc et soulagement se sont entremêlés. Je n’étais pas seule au monde. J’avais enfin le droit d’exister ! ». La vie de Marion n’est pas devenue plus facile pour autant mais elle apprend, grâce à l’aide de professionnel.le.s comme Laurence, à gérer son mode de fonctionnement spécifique au quotidien.
Il n’est pas aisé pour un parent d’identifier le haut potentiel de son enfant, surtout s’il s’agit d’un premier enfant car aucun point de comparaison n’existe. « Je conseille aux parents d’observer les autres enfants du même âge et pas seulement ceux de leurs ami.e.s car les HP ont tendance à s’attirer les uns les autres », détaille la directrice du CVIM. « S’il s’ennuie avec les enfants de son âge, qu’il sollicite énormément l’enseignant.e et ne semble pas nourrit cognitivement, il faut se poser des questions et envisager l’identification du profil de l’élève pour éventuellement mettre en place certaines aides ».
Aujourd’hui, Marion se sent mieux outillée mais des difficultés persistent comme la relation sociale. « Je ne dis à personne que je suis HP, ce serait réducteur et je devrais expliquer des choses qui ne sont pas explicables. Du coup, j’ai tendance à vouloir être transparente, je suis en général d’accord avec tout le monde pour éviter de me sentir rejetée. C’est comme si j’étais sans cesse en représentation ».
Comment élever un enfant HP ?
« Je ne conseille pas aux parents de scolariser leurs enfants HP dans des écoles spécialisées. Ça doit rester une roue de secours. Il est important que l’enfant apprenne, dès le plus jeune âge, à évoluer dans la société. Par contre, il faut l’outiller pour qu’il se développe au mieux », poursuit Laurence. « Les activités extra-scolaires peuvent constituer une sorte de bouffée d’oxygène. Etre entouré de personnes qui partagent ses passions et pouvoir les approfondir peut jouer favorablement tant sur la motivation que l’épanouissement de l’enfant ».
Des aménagements raisonnables peuvent également être proposés à l’école dans laquelle l’enfant est scolarisé. « Nous avons, par exemple, aménagé l’horaire d’un adolescent afin qu’il puisse, tout en restant dans l’enseignement général, suivre quelques cours de cuisine dans la section hôtellerie. Dès le premier jour, il est revenu avec le sourire de l’école ». Un exemple qui permet d’illustrer un autre fait : les personnes HP sont présentes dans toutes les couches de la société et dans tous les métiers, du maçon au cadre supérieur en passant par l’architecte ou l’écrivain. « Il n’y a pas de métier dévolu aux HP ».
Nous quittons Marion et Laurence avec un sentiment d’inachevé, ayant l’impression de n’avoir qu’effleuré un sujet aussi complexe que méconnu. Laurence nous conseille la lecture de « Le haut potentiel en questions » de Sophie Brasseur et Catherine Cuche. Direction la bibliothèque…
* Nom d’emprunt. Elle souhaite rester anonyme.
Ma vie en PLUS
Les tests permettant d’identifier le Haut Potentiel Intellectuel sont, dans les organismes sérieux, proposés par des médecins, souvent spécialistes (pédopsychiatres, psychologues, neuropsychologues). Solidaris rembourse entièrement les consultations de vos enfants chez les spécialistes conventionnés. N’hésitez donc pas à franchir la porte de l’un de ces centres. Plus d’infos sur Solidaris.be