Drépanocytose : « Je voulais juste qu’on croit ma douleur ! »
Odette, assistante sociale chez Esenca, souffre de drépanocytose, la maladie génétique la plus répandue dans le monde. Pourtant, elle reste méconnue du grand public et d’une partie du corps médical. Conséquences : un diagnostic tardif et une mauvaise prise en charge des patient·e·s. Odette lève le voile sur cette maladie et raconte son histoire au micro de Ma vie en PLUS.
Qu’est-ce que la drépanocytose ?
C’est une maladie génétique du sang qui est due à une mutation de l’hémoglobine. Les globules rouges sont déformés, plus rigides, plus cassables et se détruisent plus vite. Le symptôme principal est la crise de douleur intense. Nous sommes également plus sujet aux infections et aux complications plus graves.
Depuis quand savez-vous que vous êtes atteinte de drépanocytose ?
J’ai toujours eu de grosses crises de douleurs au niveau du genou. J’ai été dans le même hôpital entre mes 12 ans et 23 ans et je n’ai jamais été diagnostiquée. Personne ne savait ce que j’avais. Certain·e·s infirmier·e·s ont même parlé de « maladie fantôme » ou « imaginaire ». Suite au Covid, j’ai été hospitalisée dans un autre hôpital, là où un médecin a reconnu mes symptômes et a mis, pour la première fois, un nom sur la maladie.
Je pense qu’on a peut-être minimisé mes symptômes suite au syndrome méditerranéen, un préjugé médical selon lequel certaines personnes d’origine maghrébine ou méditerranéenne exagèreraient leurs douleurs. On ne me croyait pas alors que je souffrais énormément.
Comment avez-vous réagit suite au diagnostic ?
J’étais soulagée d’avoir un diagnostic mais je ne connaissais absolument pas la maladie. J’ai donc dû me renseigner. J’ai été dirigée vers un collectif de drépanocytose pour recevoir l’information nécessaire et échanger avec d’autres personnes atteintes de la maladie. J’ai aussi mon médecin qui m’accompagne et me guide pour bien maîtriser la maladie.
Quel est l’impact de la drépanocytose sur votre quotidien ?
Aujourd’hui, j’ai un meilleur suivi mais je fais encore des crises très douloureuses tous les deux mois environ. Je suis obligée de prendre de la morphine pour les calmer. Cela peut provoquer un éloignement de mon entourage car les personnes autour de moi ne comprennent pas toujours pourquoi je suis si souvent à l’hôpital. Je rate plein d’évènements, des anniversaires, des mariages et même ma propre baby shower !
Est-ce que la méconnaissance de la maladie a aussi un impact sur votre quotidien ?
Oui. J’ai, par exemple, eu une crise au travail. Mes collègues ont appelé l’ambulance et expliqué ma maladie. Malgré cela, j’ai dû faire face à des ambulancier·e·s qui ne connaissaient absolument pas la drépanocytose et n’écoutaient pas ce dont j’avais besoin. J’ai expliqué qu’il me fallait un fauteuil roulant et malgré cela, j’ai été obligée de marcher jusqu’à l’ambulance.
Quel suivi médical recevez-vous aujourd’hui ?
J’ai un traitement médicamenteux que je dois prendre à vie. J’ai des rendez-vous réguliers chez mon hématologue. Lorsque je fais une crise, je suis hospitalisée à Erasme qui est le centre de référence pour la drépanocytose donc les médecins s’y connaissent.
Que pouvons-nous vous souhaiter pour l’avenir ?
Avec Esenca, nous militons, entre autre, pour une meilleure reconnaissance de la maladie, pour la création d’autres centres de référence en Belgique ou encore, pour un dépistage néonatal systématique.
Mon travail d’assistante sociale chez Esenca me permet d’être à l’écoute de la parole des gens. Je les crois, sans jugement, sans questionnement. Je me sens vraiment utile…
Ma vie en PLUS
Un nouveau centre de référence pour la drépanocytose a été créé à l’hôpital Erasme. Ce type de centre permet un suivi adéquat des malades et une vraie reconnaissance de la maladie. D’autres unités spécialisées existent au CHR de Liège et à l’Hôpital Universitaire des Enfants Reine Fabiola.
Esenca vient de publier une analyse sur la drépanocytose. Etude réalisée par Odette et consultable ici…