Retrouver confiance pour trouver de l’emploi…

70% des personnes en situation de chômage ou d’incapacité sont frustrées de ne pas travailler. Face à ce constat publié dans le Thermomètre Santé & Travail de Solidaris, l’équipe de Ma vie en PLUS a voulu en savoir plus sur le retour au travail. Est-ce seulement une question de volonté comme certain·e·s aiment le scander ? Peut-être pas… Rencontre avec Isabelle Vriamont, coordinatrice du Centre d’Insertion Socioprofessionnelle, « Retravailler », à Liège.

Quels sont les impacts psychologiques de l'incapacité de travail prolongée sur les personnes que vous rencontrez ?

Il y a souvent beaucoup de culpabilité liée au regard de la société, de la famille ou du voisinage. Cette culpabilité peut s’appliquer également aux collègues qui, dans certains cas, vont devoir assumer une charge de travail supplémentaire.

Dans le cas d’une incapacité pour burn-out ou dépression, les malades se sentent souvent faibles et font face à une remise en question identitaire : « pourquoi est-ce que je n’ai pas la force de dépasser ça tout·e seul·e ? ». Fréquemment, le terme « inutile » ressort : « je suis inutile à la société, ce sont les autres qui payent pour moi ».

Lorsqu’on fait face à des incapacités de travail de longue durée, l’inquiétude d’être licencié·e ou de ne pas retrouver sa place est aussi un grand facteur de stress.

Est-ce qu’il y a des obstacles à la recherche d’un emploi après une longue période sans travailler ?

Oui. D’abord, le trou dans le CV fait souvent peur. Les personnes que nous suivons pensent que ce vide, de plusieurs années parfois, va systématiquement leur fermer toutes les portes. Ce n’est pas vrai. Par contre, c’est vrai qu’on peut retrouver un biais cognitif de la part de l’employeur ou de l’employeuse qui peut se dire que s’il y a déjà eu incapacité, ça va se reproduire. Ces idées reçues sont des obstacles à l’emploi. Notre travail consiste à aider la personne en recherche d’emploi à pouvoir répondre à une question embarrassante sur le sujet mais aussi à déconstruire les idées reçues des employeurs et employeuses.

La question des compétences se pose également car le marché du travail évolue très vite. J’ai, par exemple, eu le cas d’une secrétaire qui était très angoissée lors de son retour au travail car beaucoup d’outils informatiques et administratifs avaient changé, tout comme les process et les tâches. Elle avait peur d’être distraite et de faire des erreurs. La confiance en soi met du temps à se reconstruire, tout comme le fait de retrouver le rythme. Il faut se laisser du temps, ne pas hésiter à se former aux nouvelles pratiques et être indulgent·e envers soi-même.

Comment aidez-vous les personnes à surmonter ces défis psychologiques et à retrouver confiance en elles ?

Lors des séances en groupe, on va travailler sur les représentations et la déconstruction des idées reçues. Lors des séances individuelles, dont bénéficient tou·te·s nos stagiaires (NLDR : personnes en recherche d’emploi), on va travailler sur le deuil de certaines chose, suite à un licenciement par exemple, ainsi que sur la mise en avant des compétences et des ressources de la personne. Prenons l’exemple d’un homme de 50 ans qui pense ne jamais pouvoir retrouver du travail car il est trop âgé. On va travailler sur cette idée reçue grâce à une série d’outils, d’articles, de ressources qui vont lui démontrer qu’à 50 ans, la vie est loin d’être finie, qu’il peut encore travailler 15 ans ou plus et que d’autres ont réussi avant lui.  

Parfois, un suivi psychologique est nécessaire en parallèle car la confiance en soi est parfois totalement inexistante ce qui est un énorme frein à l’emploi. Une personne qui n’a plus confiance en elle sera mal à l’aise, peu dynamique voire même sur la défensive face à un recruteur ou une recruteuse. Elle pourra alors passer pour une personne « qui s’en fiche » alors que pas du tout.

Comment ça se passe concrètement un parcours chez « Retravailler » ?

Pour la formation « bilan de compétences », nous accueillons nos stagiaires pour une période de 4 mois. Il s’agit d’une formation au cours de laquelle nous allons effectuer un bilan global, un bilan de compétences, de nombreux entretiens individuels, des séances en groupe… On va vraiment s’adapter aux besoins individuels de chaque personne. Certain·e·s vont avoir besoin d’un long travail de deuil avant de pouvoir travailler sur des outils pratiques. Comme le boulanger chez qui on détecte une allergie aux farines et qui doit se réorienter. D’autres vont bénéficier de remise à niveau dans leur domaine, et tou·te·s vont être accompagné·e·s dans la rédaction du CV et de la lettre de motivation. Le suivi est complet car nous allons également rechercher activement du travail avec nos stagiaires. On va scruter les offres d’emploi mais aussi le marché émergeant (ex : construction d’un nouvel hôpital où il y aura des postes à pourvoir) ou via le bouche à oreille. Nous proposons également des simulations d’entretiens d’embauche ainsi que des stages en entreprise d’un mois qui aident beaucoup à la confiance en soi.

Nous pouvons également proposer des mises en situation professionnelles (MISIP) en partenariat avec le Forem. Il s’agit d’un contrat de quelques jours signé avec une entreprise. La·le stagiaire va pouvoir suivre un·e professionnel·le et se faire une idée de la réalité du métier. J’ai accompagné une personne en burn-out qui avait toujours occupé la même fonction aux sein de grosses entreprises. Je l’ai invitée à faire des enquêtes pour la même fonction mais dans des petites entreprises. Elle s’est alors rendu compte que le problème n’était pas lié à la fonction elle-même mais bien à la taille de l’entreprise, à l’environnement.

Sur votre site, vous parlez de droit à la diversification des choix professionnels. C’est important de pouvoir changer de direction ?

Oui absolument ! Il y a plusieurs choses dans cette phrase « droit à la diversification des choix professionnels ». Dans les politiques actuelles, on retrouve l’idée que l’orientation professionnelle semble être un luxe et que si du travail se présente, on devrait l’accepter quoi qu’il arrive. Nous ne sommes pas d’accord avec cette idée. On passe une grande partie de notre vie sur notre lieu de travail, il faut que ce soit gérable ! Si on ne peut s’épanouir un minimum sur son lieu de travail, on fini en dépression ou en burn-out.

Ensuite, dans cette phrase, il y a une notion de genre. On croise parfois des hommes qui hésitent à faire un métier dit « de femme » alors qu’ils sentent qu’ils sont fait pour cela, et inversement. Notre travail est de déconstruire cette idée : on peut tout faire ! Un homme peut être sage-femme comme une femme mécanicienne.

Travailler, c’est la santé ?

Oui mais pas n’importe comment. On voit des stagiaires qui retrouvent du travail, peuvent repayer leur loyer, sortir de chez eux, montrer à leurs enfants qu’ils sont actifs, agrandir leur réseau, tout cela améliore la santé. A contrario, si les conditions de travail sont mauvaises, si des gens sont remis au travail sans être prêts ou dans une entreprise ou une fonction qui ne leur convient pas, il y aura un impact sur la santé et c’est l’échec assuré.

Ma vie en PLUS

Si vous êtes en recherche d’emploi et avez plus de 18 ans, vous pouvez être accompagné·e dans votre retour au travail par l’asbl « Retravailler » (04 341 24 24 – info@retravailler-liege.be) ou un autre centre d’insertion socioprofessionnel. C’est entièrement gratuit.