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Violences gynécologiques : un tabou dont il faut parler !

Épisode 10 -

Gestes déplacés, propos culpabilisants, violence… Une visite chez le gynécologue peut très bien se passer mais parfois beaucoup moins notamment lorqu’on est victime de ce qu’on appelle les « violences gynécologiques ». Mais de quoi s’agit-il exactement ? Comment les reconnaître ? Anissa D’Ortenzio, chargée d’études pour Soralia, nous éclaire sur ces pratiques problématiques.  

Comment définit-on une violence gynécologique ?

Il s’agit de tout acte, omission ou comportement inapproprié, non justifié médicalement, et qui ne respecte pas le consentement libre et éclairé de la patiente. Il peut s’agir également de violences verbales et psychologiques ne respectant pas l’intimité de la patiente et ses choix.

Quelles sont les situations rencontrées le plus fréquemment ?

Elles peuvent se présenter sous plusieurs formes. La première est le non-respect de l’intimité. Dans certains cabinets gynécologiques ou de médecins généralistes qui font de la petite gynécologie, on ne retrouve pas de paravent ou de pièce dédiée pour se changer. Dans d’autres cas, comme un dépistage, il arrive que la·le soignant·e demande de retirer l’entièreté des vêtements alors que ce n’est pas nécessaire. Une autre forme de violence est le non-respect du consentement. Ainsi, il est essentiel de demander l’autorisation de la patiente pour pratiquer des examens comme par exemple une palpation des seins, un toucher vaginal ou insérer un spéculum. Il est également demandé d’expliquer en quoi consiste cet examen, la raison pour laquelle il faut le pratiquer, en démontrer la pertinence et accepter l’éventuel refus de la patiente. Certains médecins formateurs ont déjà recommandé à leurs étudiants de pratiquer des touchers vaginaux sur des patientes inconscientes pour s’exercer. Ceci va, bien sûr, totalement à l’encontre de la « loi patient » de 2002 et est totalement interdit par la loi. Le consentement doit être libre et éclairé, ce qui est impossible sur une patiente inconsciente.

Enfin, il y a l’utilisation d’un certain vocabulaire. Les termes utilisés par la·le médecin peuvent être non pertinents ou blessants. Des propos tenus par un·e soignant·e supposant l’existence d’un mari, alors que la patiente est peut-être lesbienne ou dans une autre forme de relation amoureuse. La patiente a la liberté de se définir comme elle le souhaite. Il faut éviter les présupposés.

Y a-t-il des patientes plus exposées que d’autres ?

Certaines femmes atteintes d’un handicap visible ou invisible ont moins la capacité de s’exprimer par rapport à leur malaise ou le respect de leur intimité. Il y a bien sûr des problèmes de racisme, mais il y a aussi toutes les questions LGBTQA+. Les femmes lesbiennes peuvent, par exemple, subir des formes de violence par omission comme ne pas leur faire de dépistage des Infections Sexuellement Transmissibles car elles « n’en auraient pas besoin ». Certaines femmes sont plus exposées à des comportements grossophobes.

Comment se prémunir contre ces violences ?

Le premier conseil serait de ne pas retourner chez un·e gynécologue ou médecin chez qui on ne s’est pas sentie à l’aise. Il existe également des listes de médecins spécialisé·e·s, plus ouvert·e·s, non sexistes, « LGBTQA+ friendly » ou non grossophobes. Mais attention, ces listes ont leurs limites. Un·e médecin généraliste estampillé·e « LGBTQA+ friendly » peut très bien s’avérer être grossophobe.

Lorsque l’on se rend compte que l’on a été victime de violences gynécologiques, il est important d’en parler. On peut choisir d’interpeller directement la·le médecin en cause ou d’en discuter ouvertement avec son entourage ou encore, de s’adresser à une association féministe. Il est important de communiquer par rapport à cela afin de mieux le vivre et peut être se diriger vers une intervention plus collective par la suite.

Comment faire valoir ses droits par rapport à ces types de violences ?

Il existe des services de médiation dans chaque hôpital. Le Service Public Fédéral possède également un service de médiation lié à la « loi patient » de 2002 sur le consentement libre et éclairé qui peut vous accompagner dans une médiation avec la·le médecin en cause. Certaines associations de patients ou centrées sur les erreurs médicales peuvent également vous accompagner. Il faut toutefois savoir, qu’au niveau pénal, à l’heure actuelle, peu de démarches ont abouti.

Les violences gynécologiques sont-elles fréquentes en Belgique ?

A l’heure actuelle, on ne peut pas encore donner l’ampleur chiffrée des violences en gynécologie dans les différentes régions. Ce qui est dommage parce que ce serait très intéressant d’avoir ces chiffres-là afin de les porter au niveau politique. Les témoignages se multiplient depuis de nombreuses années, il serait donc très intéressant d’avoir des études plus approfondies sur le sujet. A bon entendeur…

Ma Vie en PLUS

Sur le site de Soralia, association féministe, progressiste, laïque et mutualiste, www.soralia.be, vous retrouverez une documentation ainsi qu’une analyse plus poussée sur le sujet de la maltraitance gynécologique.