Que faire quand il est légalement trop tard pour avorter ?
En Belgique, l’IVG est autorisée jusqu’à la douzième semaine de grossesse. Mais que faire quand ce délai est dépassé ? Vers qui se tourner ? Quelles sont les options possibles et que coûtent-elles ? Frédéric Brichau, coordinateur du Centre de Planning familial Willy Peers, répond, sans tabou, à nos questions!
Quel est le délai prévu par la loi concernant l’IVG ?
La loi actuelle de 2018 et celle de 1990 limitent l’interruption « volontaire », c’est-à-dire choisie par la femme (qui n’est pas l’interruption « médicale », pratiquée pour des raisons thérapeutiques) à 12 semaines de grossesse. Au-delà de ce délai, on ne peut plus interrompre une grossesse sauf pour raison médicale et dans ce cas, c’est un conseil de médecins qui décidera si le dossier est recevable ou non.
Que peut-on faire si le délai est dépassé ?
On est obligé de recourir à la législation d’autres pays, donc de sortir du territoire belge, généralement les Pays-Bas, pour pouvoir pratiquer l’interruption de grossesse. La loi hollandaise permet de pratiquer une interruption volontaire de grossesse jusqu’à la 22ème semaine. Les démarches peuvent être effectuées à l’étranger, mais la prise en charge, notamment financière, n’est plus du tout la même qu’en Belgique.
Comment en arrive-t-on à attendre plus de 12 semaines ?
Beaucoup de facteurs peuvent entrer en jeu. Le déni de grossesse, par exemple, est le problème le plus évident. La femme n’avait pas conscience qu’elle était enceinte, lorsqu’elle l’apprend, la grossesse est plus avancée. On a vu certains cas de déni de grossesse prolongés jusqu’à la veille de l’accouchement. Il y a aussi des facteurs liés à la connaissance de son propre corps. La femme n’est pas réglée mais ne s’inquiète pas car cela lui est déjà arrivé par le passé et n’interprète pas les signaux potentiels d’une grossesse. Elle prend connaissance de cette grossesse plus tard, trop tard pour la loi belge. Le contexte économique ou familial peut jouer également. Dans une situation de détresse, la femme ne sait pas à qui s’adresser ou n’ose pas en parler autour d’elle. Si elle est victime d’un partenaire violent, ou qu’elle a peur de la réaction de ses parents, elle finira par réagir mais sur le tard. Certaines contraceptions peuvent aussi fausser ou biaiser l’interprétation d’une grossesse car elles provoquent de « fausses » règles.
Peut-on organiser une IVG à l’étranger ?
Quoi qu’il arrive, nous organisons une première entrevue et, à cette occasion, une rencontre avec la·le médecin et un entretien psycho-social. La·le médecin tentera, sur base de la date des dernières règles, ou via une échographie, de dater la grossesse afin d’établir un agenda et de définir si oui ou non le délai est dépassé. Si c’est le cas, nous prenons contact avec les Pays-Bas et, si la femme est décidée, nous prenons rendez-vous pour l’étape suivante qui est celle de l’avortement. Malheureusement, dans le cas d’une IVG aux Pays-Bas, il faudra parcourir un peu de distance pour s’y rendre.
Combien coûte une IVG aux Pays-Bas ?
Malheureusement, aux Pays-Bas, la mutuelle n’interviendra pas. Le coût devra être supporté par la patiente. Celui-ci est assez conséquent, aux alentours de 1.000 euros. Avant, il fallait apporter l’argent en cash, aujourd’hui ils acceptent les cartes de crédits.
Comment s’effectue le suivi ?
La visite de contrôle, quatrième étape de l’IVG, pourra s’effectuer en Belgique.
400 Belges se feraient avorter chaque année aux Pays-Bas. Vous confirmez ?
Ce sont les chiffres qui nous ont été transmis par les autorités néerlandaises. Mais cela ne veut pas dire qu’il s’agit là de toutes les femmes qui ont été orientées vers les Pays-Bas. Il faudrait ajouter à ce chiffre les femmes qui ont décidé de poursuivre leur grossesse n’ayant pas la capacité ou les moyens de se rendre aux Pays-Bas.
Qu’en est-il du Royaume-Uni ?
Orienter vers l’Angleterre pour le moment est un peu compliqué. Il est vrai que légalement, la loi permet d’aller jusque 24 semaines. Mais en règle générale, nous orientons vers les Pays-Bas jusqu’à 22 semaines et ensuite entre 22 et 24 semaines vers l’Angleterre. La problématique majeure est bien sûr le déplacement qui est assez coûteux, et il faut ajouter à celui-ci le coût du logement sur place. Contrairement aux Pays-Bas où il est possible d’arriver le matin et de repartir l’après-midi, au Royaume-Uni, il faudra dans tous les cas de figure prévoir d’y rester au moins une nuit. Depuis que l’Angleterre est sortie de l’Europe, il faut en plus avoir les papiers nécessaires pour pouvoir entrer sur le territoire anglais, ce qui ne facilite pas forcément les démarches.
Dois-je passer par un Centre de Planning familial pour avorter aux Pays-Bas ?
Par rapport à la loi néerlandaise, ce n’est pas une obligation. Le fait d’avoir eu un contact avec un médecin ou un gynéco peut suffire pour être orientée vers les Pays-Bas. Mais la majeure partie des cas sont orientés par les Centres de Planning familial parce qu’il y a un encadrement et un accompagnement psychosocial. Les mineures de moins de 16 ans doivent avoir eu, selon la loi néerlandaise, un entretien social au préalable.
Ma Vie en PLUS
Les trois sites web clés sont www.planningsfps.be, www.jevaisavorter.be , www.jevaisavorter.be. Le site de la fédération Sofélia, www.sofelia.be propose plusieurs liens et plusieurs brochures faisant le point des différentes législations en Europe.