Bébé en situation de handicap : « Je suis contente de ne pas avoir su car j’aurais raté LA rencontre de ma vie »
Choc, déni, colère, tristesse… Découvrir le handicap de son enfant lors de sa naissance est loin d’être chose facile pour les parents. Entre désespoir, amour, défis et bonheur, Carmela nous raconte son histoire et celle de son fils, Luther.
« Mon histoire d’amour et de rencontre avec Luther est loin d’être simple », commence d’emblée Carmela. C’est par accident que la jeune femme, alors en voyage au Sénégal, tombe enceinte. « Etant sous pilule, je n’ai pas soupçonné ma grossesse. Je ne l’ai apprise que trois mois et demi plus tard ». Echographie, triple test… aucun examen ne permet de détecter ni la trisomie 21, ni l’autisme de Luther.
Le lendemain de l’accouchement, c’est le choc : « Avec son papa, nous avons pleuré toutes les larmes de notre corps », confie Carmela. Le tableau dressé par le corps médical n’est pas tendre et le diagnostic présenté comme « très grave ». « On nous a dit que jamais il ne serait autonome, qu’il serait un poids pour nous tout au long de sa vie et même que nous devions déjà penser au placement en institution après notre décès ! Je venais d’accoucher ! »
Pourtant, la nouvelle maman ne le sait pas encore mais elle possède un atout qui va lui permettre d’envisager les choses autrement : elle est d’origine italienne ! Elle se souvient qu’en Italie, la prise en charge des enfants porteurs de handicap est bien différente. Elle se souvient d’une forme d’intégration et d’autonomie. « Je savais qu’une meilleure prise en charge était possible ».
Un épisode lui revient alors à l’esprit. « Bien avant d’avoir Luther, lors d’un voyage en Italie, j’ai aperçu une vendeuse porteuse de trisomie dans un magasin de chaussures et j’ai souligné le côté charitable du patron. A ma grande surprise, il m’a répondu que la personne en question était sa meilleure vendeuse. Certes, elle ne savait pas compter mais elle servait les clients comme personne : empathique, honnête quand les chaussures ne convenaient pas et prête à conseiller le client sans jamais se lasser. » Par la redécouverte de ce souvenir, Carmela venait de trouver son cheval de bataille : déconstruire les stéréotypes pour construire du vivre ensemble.
Autonomie envers et contre tout
Philippe et Carmela, les parents de Luther, mettent rapidement un suivi précoce en place. Luther a alors deux mois. Logopédie, kinésithérapie, psychomotricité, ergothérapie et natation. Un suivi qui demande du temps. « J’ai été extrêmement bien entourée par ma famille et en particulier ma maman mais je travaille à temps-plein. J’ai dû organiser mon temps de travail et surtout j’ai dû arrêter de projeter un horizon d’enfant « ordinaire » sur lui, il ne sera jamais ingénieur ! J’aurais pu continuer à pleurer mais j’ai préféré transformer son arrivée en une rencontre qui s’est avérée être extrêmement enrichissante ».
Luther parle mais peu. Il s’exprime grâce à la musique, le dessin, la peinture mais aussi grâce à un langage des signes adapté, la méthode Sesame et un système de communication alternative appelé TIWOUH. « Il est très multimodal. Quand on ne le comprend pas, il signe ou nous montre un pictogramme », explique Carmela.
Ecole spécialisée vs école classique
Carmela ne trouve aucune école qui convienne véritablement à Luther. « Le mettre dans une école primaire classique sans accompagnement ne rimait à rien : Luther ne sait pas rester assis pendant des heures et il savait à peine tenir un crayon. L’enseignement spécialisé répondait à ses besoins mais l’écartait de la société et de toute la diversité qu’elle implique. Comment le réintégrer plus tard ? Je voulais qu’il y soit directement intégré ».
Carmela décide alors de prendre le taureau par les cornes et lance, avec l’aide de Julien, directeur de l’école Saint-Paul de Mont-sur-Marchienne et Emmanuelle, directrice de l’école de Mont-Chevreuil à Roselies, une école de la bienveillance. Après 1 année de travail acharné, 9 élèves en situation de handicap rejoignent la toute nouvelle classe d’enseignement spécialisé, elle-même intégrée à l’école ordinaire Saint-Paul. Les enfants porteurs de déficiences sont encadrés par deux institutrices, une puéricultrice et une logopède. Carmela a réussi : elle a réuni le meilleur des deux mondes ! La classe spécialisée répond aux besoins de Luther en termes d’apprentissage et l’intégration dans l’école Saint-Paul répond à son besoin de mixité et d’appartenance à la société à part entière.
« Finalement, je suis contente de ne pas avoir su, avant la naissance, que Luther était porteur de trisomie 21 car j’aurais probablement interrompu la grossesse et raté LA rencontre de ma vie », conclut Carmela.
Ma vie en PLUS
Conseils de Carmela aux parents qui découvrent la déficience intellectuelle de leur enfant :
– Pleurez un bon coup d’abord !
– Regardez votre enfant dans le fond des yeux, vous y trouverez de la joie de vivre ! Luther n’avait aucun doute sur la légitimité de sa présence dans ce monde. Encore aujourd’hui, je puise ma force dans ses yeux !
– Si votre enfant est porteur d’une trisomie 21, demandez une consultation en médecine préventive. Elles sont organisées par plusieurs hôpitaux en Belgique. Ces professionnels sont davantage outillés que les médecins classiques et prennent vraiment l’enfant dans sa globalité.
– Rencontrez d’autres parents. Il y a beaucoup d’asbl que vous pouvez contacter. J’ai moi-même créé une asbl qui s’appelle Alternative 21.